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Myriam Ghali: l'évolution de son art est ce jeu, plus ou moins involontaire, qui consiste à établir des équivalences de formes en mouvement.

Paysages, natures mortes, figures sont d'abord un rythme de volumes où la représentation de l'objet s'organise d'un trait continu, avec une aisance apparemment timide que le pouvoir d'abstraction rend charmante jusqu'à la grâce.

Cette symphonie discrète de volumes commence par un accord chromatique de base sur des blancs : barycentre lumineux d'une structure sobre et ramassée où s'équilibre et se déploie la composition tout entière.

Point n'est besoin d'enquêter sur les secrets techniques, sur les subterfuges de palette, naïfs ou savants qu'ils soient, pour être à même d'apprécier l'affusion élégiaque qu'une âme attentive aux vibrations du réel et de l'humain exprime par l'harmonie des lignes et des masses sur le mode mineur d'une alternance d'aplats et de reliefs.

La technique en effet, encore que sure et si finement habile de ce peintre, ne lui sert qu'à libérer et à donner une forme aux thèmes et aux valeurs poétiques de son inspiration. Forme lyriquement autonome, sevrée pour ainsi dire, de l'expérience humaine individuelle et qui devient un message : la dimension même de l'art en tant que témoignage poétique et universel.

Or, si l'art de Myriam Ghali s'appuie sur cette sous-jacente unité d'images, de sentiments et de rythmes; de rythmes, surtout; sa véritable originalité réside, pourtant, dans le don qu'elle possède de transformer la couleur en lumière et d'établir à son gré la modulation fuyante de la lumière selon une mesure toute intérieure des heures et des saisons.

Sans doute quant à la genèse de ses oeuvres, si l'expérience du séjour italien y est pour quelque chose – les prix remportés en témoignent suffisamment – l'artiste ne semble pas pour autant sortir d'une école ni refléter la manière de tel ou tel autre « maître » italien contemporain.

C'est plutôt aux Vénitiens de la première moitié de ce siècle que nous songeons; et cela par une analogie singulière entre la clarté nette et brusquement changeante des crépuscules de la Bekaa et la clarté en deux tonalites, par exemple, des paysages d'un Gino Rossi : le rose de la terre et du nuage; l'azur d'un Beppe Ciardi : l'eau et l'air; le vert d'un Umberto Moggioli : l'eau et la feuille; Les blancs d'un Filippo de Pisis : la chaux et la marguerite.

Voila, au juste, en quoi consiste l'originalité de Myriam Ghali : c'est d'atteindre, par une peinture qui enjambe les latitudes, des moments poétiques communs à deux civilisations.

Italo Battaglia de l'Université Cà Foscari de Venise

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